Premier point : le réel sujet de divergence n’est pas « l’excuse par l’ignorance ».


 

 

            Avant d’entrer dans le vif du sujet et de le traiter de manière approfondie, il est important d’établir le réel point de divergence. En effet, parmi les causes qui ont provoqué de nombreuses incompréhensions, le fait que le réel sujet de dispute ne soit pas défini de manière précise.

En effet, « L’excuse par l’ignorance », comme elle est nommée aujourd’hui, est une question sur laquelle les savants de la communauté ont divergé, et particulièrement concernant le jugement de l’auteur de grand polythéisme. Une partie des savants anciens et contemporains, ont opté pour le fait que quiconque voue une l’adoration à autre qu’Allah, et ce, que la preuve de la législation lui soit parvenue ou non, est alors considéré polythéiste mécréant dans ce bas-monde, et que dans l’au-delà, son séjour sera en enfer éternellement, ceci car Allah ne pardonne pas qu’on lui donne un associé. Ils ont donc opté pour la généralité des textes suivants, entre autres :

Allah a dit (sens) :

« Certes Allah ne pardonne pas qu´on Lui donne quelqu’associé. En dessous de cela, Il pardonne à qui Il veut. Mais quiconque donne à Allah quelqu’associé commet un énorme péché. »[1]

« Quiconque associe à Allah (d´autres divinités) Allah lui interdit le Paradis ;et son refuge sera le Feu. Et pour les injustes, pas de secoureurs ! »[2]

« Nous allons jeter l´effroi dans les cœurs des mécréants. Car ils ont associé à Allah (des idoles) sans aucune preuve descendue de Sa part. Le Feu sera leur refuge. Quel mauvais séjour que celui des injustes ! »[3]

Et quiconque invoque avec Allah une autre divinité, sans avoir la preuve évidente [de son existence], aura à en rendre compte à son Seigneur. En vérité, les mécréants, ne réussiront pas.

Ainsi, Allah a jugé mécréant quiconque invoque autre que Lui, par le simple fait qu’il ne possède aucune preuve venant de Lui pour justifier cette adoration, et leur a promis le Feu pour cela.

« Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d´Adam et les fit témoigner contre eux-mêmes : « Ne suis-Je pas votre Seigneur ? » Ils répondirent : « Mais si, nous en témoignons… » – afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : « Vraiment, nous n´y n’avons pas prêté attention ». »[4]

Et dans la tradition prophétique, il est rapporté d’après Anas –qu’Allah l’agrée, un homme dit : « Ô Messager d’Allah, où est mon père ? ». Le Prophète  répondit : « En Enfer ». Quand l’homme s’apprêta à partir, le Prophète  le rappela et lui dit : « Mon père et ton père sont en enfer ».[5]

Or, il ne fait aucun doute que le père de notre Prophète  est mort avant la révélation du Coran.

            Cet avis possède également d’autres preuves indiquant que le fait que la révélation ne soit pas parvenue, n’est pas une excuse dans le polythéisme majeur, car la preuve est établie par la nature saine et la raison, et ceci est entre autres l’avis de l’Imam Ibn Jarîr At-Tabarî, grand Imam parmi les prédécesseurs, né en 224 de l’hégire et contemporain de l’Imam Ahmad.

Cependant, une majorité parmi hommes de science a opté pour le principe que, tout délaissement d’une obligation religieuse, ou accomplissement d’un acte interdit par Le Législateur, n’est retenu contre son auteur qu’après que la révélation lui soit parvenue. Et ils prouvent cela par ce qui suit :

Allah a dit (sens) :

« Et Nous n’avons jamais puni (un peuple) avant de (lui) avoir envoyé un Messager. »[6]

« Et quiconque fait scission d’avec le Messager, après que le droit chemin lui est apparu et suit un sentier autre que celui des croyants, alors Nous lui collerons ce qu’il s’est collé, et le brûleront dans l’Enfer. Et quelle mauvaise destination ! »[7]

« Toutes les fois qu´un groupe y est jeté, ses gardiens leur demandent : « Quoi ! Ne vous est-il pas venu d´avertisseur ?« Ils dirent : « Mais si ! Un avertisseur nous était venu certes, mais nous avons crié au mensonge et avons dit : Allah n´a rien fait descendre, vous n´êtes que dans un grand égarement » »[8]

« Et ce Coran m’a été révélé pour que je vous avertisse, par sa voie, vous et tous ceux qu’il atteindra. »[9]

 Et il est rapporté dans l’authentique de l’Imam Mouslim que le Prophète  a dit : « Par Celui qui détient mon âmes dans Sa main, aucun juif ou chrétien de cette communauté n’entend parler de moi, puis ensuite ne croit pas dans ce que j’ai apporté sans qu’il ne soit parmi les habitants de l’enfer. »

            Les preuves de cela sont nombreuses, et la majorité des savants anciens et contemporains étaient d’avis que celui à qui la preuve n’est pas parvenue, ne sera pas châtié pour ce qu’il commet comme interdit avant d’en avoir eu l’information, et ce, même s’il s’agit de polythéisme majeur.

            Ceci est donc un sujet de divergence ancien entre les savants de cette communauté, qui ne doit pas être une source de conflit, car les deux partis ont des preuves tirées de la révélation. Il convient donc au musulman d’adopter le comportement de nos pieux prédécesseurs concernant les divergences d’opinion dans les sujets acceptant l’effort d’interprétation des textes ; et l’intérêt de cette épître n’est pas de traiter de ce point.

            Ainsi, l’actuel sujet de divergence n’est pas réellement celui de « l’excuse par l’ignorance », mais concerne plutôt le jugement de la personne s’affiliant ou non à l’Islam, avant ou après la venue du Prophète , qui commet du polythéisme majeur par ignorance.

            Quant à ceux qui ne s’affilient pas à l’Islam et ne prononcent pas l’attestation de Foi, que cela soit avant ou après l’avènement du Prophète , il est considéré mécréant par les deux partis opposés, en tout cas en apparence, et ceci n’entre pas dans notre sujet de divergence.

Deux avis sont actuellement répandus et défendus concernant l’auteur de polythéisme majeur, s’affiliant à l’Islam :

            Le premier  : « Un individu qui voue l’adoration à autre qu’Allah, tout en ignorant que son acte est du polythéisme, qui ne vise pas le polythéisme en lui-même, s’affilie à l’Islam et en pratique les rites, est alors excusé pour son ignorance, conserve le nom de « musulman » et tous les droits qui en découlent, comme le fait de le marier à une musulmane, de manger son sacrifice, de le faire hériter de son père musulman, de l’enterrer dans les cimetières des musulmans… »

            Le deuxième : « Si cet individu commet un acte annulant la base de l’Islam, comme le fait de vouer l’adoration à autre qu’Allah ou tout autre chose qui est forcément connu par le musulman du simple fait de son Islam, alors celui-ci, qu’il soit ignorant ou non, est un apostat hors de l’Islam, et nous agissons avec lui à la manière des mécréants, jusqu’à ce qu’il se repente. Et ce, même s’il est excusé par son ignorance, cela n’empêche pas que son statut terrestre soit celui des polythéistes, mécréants.

            Le groupe étant du premier avis, voit qu’il existe une divergence d’opinion sur ce sujet, et que la divergence est acceptable, alors que le deuxième, voit qu’il y a un consensus des musulmans sur la mécréance de l’auteur de grand polythéisme, que le premier avis est une innovation menant à la mécréance, qu’il n’est basée que sur des ambiguïtés, et c’est ce sera prouvé ici par la permission d’Allah.

Voilà ce qu’il en est de ce premier point, visant à établir le sujet de discorde, afin que les preuves citées soient comprises, et qu’elles ne soient utilisées que dans leurs contextes respectifs. Notre étude portera donc de manière générale, sur les points suivants :

–        La réalité de la « Foi » chez le gens de la Sounnah et chez ceux de l’innovation ;

–        La réalité de l’Islam et de ce qu’est un musulman ;

–        L’ignorance est-elle un empêchement à l’excommunication (takfîr) dans le polythéisme majeur ;

–        La connaissance du jugement du polythéisme majeur, est-elle une condition à la sortie de l’Islam de son auteur ;

–        Le polythéisme majeur dans l’adoration et l’Islam peuvent-ils se réunir en une même personne ;

–        Quelques-unes des ambiguïtés de ceux qui excusent les polythéistes.

–        Ce sujet fait-il l’objet d’une divergence entre les savants de la communauté ou plutôt d’un consensus ;

–        Quelles sont les dangers de la divergence dans ce sujet.

 


[1] Sourate 4 / Verset 48

[2] Sourate 5 / Verset 72

 

[3] Sourate 3 / Verset 151

[4] Sourate 7 / Verset 172

 

[5] Rapporté par Mouslim

[6] Sourate 17 / Verset 15

[7] Sourate 4 / Verset 115

[8] Sourate 67 / Versets 8 et 9

 

[9] Sourate 6, verset 19

(1874)

Premier point : Le réel sujet de divergence n’est pas « l’excuse par l’ignorance ».