Quatrième point : Qu’est-ce que la foi et la mécréance chez les gens de l’innovation.

 


 

            Les sujets de la Foi et de la mécréance sont les premiers points de discorde apparus au sein de cette communauté. En effet, la première secte apparue, à l’époque du califat de ‘Ali Ibn Abi Tâlib –qu’Allah l’agrée-, est celle des khawârij, contre qui notre Prophète  a mis en garde ardemment, par ces propos :

« …Viendront des gens qui lisent le Coran, il ne dépassera pas leur gosier, ils tueront les gens de l’Islam et laisserons en paix les idolâtres. Ils sortiront de l’Islam comme la flèche sort de sa cible, si je les rencontre je les tuerai comme fut tué le peuple de ‘Aad. »[1]

Les khawârij sont connus pour trois grands fondements :

-Ils jugent mécréants les musulmans pour les grands péchés moindres que la mécréance et le polythéisme majeurs ;

-Ils refusent l’argumentation par la Sounnah et la rejettent ;

-Ils se rebellent contre le gouverneur musulman, refusent de lui prêter allégeance et de lui obéir.

Le premier de leur fondement, qui repose sur le fait d’excommunier l’auteur des grands péchés, est celui qui est en rapport avec notre sujet. En outre, tout ceci est le résultat de leur incompréhension et de leur ignorance concernant le domaine de la Foi et de la mécréance.

Ainsi, pour les khawârij, la Foi est un bloc indivisible, un arbre dont la disparition d’une branche entraîne sa totale extinction. Par conséquent, selon leur doctrine, la Foi est complètement annulée par les actes ou les paroles connus dans la législation pour être des péchés qui la diminuent, mais qui, cependant, n’atteignent pas le degré de la mécréance majeure.

L’Imam ‘Abd Allah Aba Boutayn –qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit :

Quant aux Khawârij ; ils sont ceux qui se sont révoltés contre ‘Alî -qu’Allah l’agrée-, et qui, avant cela, tuèrent ‘Othmân -qu’Allah l’agrée-. Ils excommunièrent ‘Alî, ‘Othmân, Talha, Zoubair, Mou‘âwiyah, le groupe de ‘Alî et celui de Mou’âwiyah, et rendirent leur sang licite. Ainsi, le fondement de leur doctrine est : l’extrémisme, qui est interdit, et contre lequel a mis en garde le Prophète . Ils jugèrent donc mécréant l’auteur de péchés majeurs, certains jugeant même mécréant, l’auteur de péchés mineurs. Ils excommunièrent ‘Alî et ses compagnons, bien que n’ayant commis aucun péché, pour avoir pris deux arbitres : ‘Amr Ibn Al ‘Ass et Abou Mousâ Al Ach‘arî, et dirent : « Il n’y a de jugement si ce n’est celui d’Allah ». Et ils prouvèrent leur position, consistant à excommunier pour les péchés, par des versets généraux qu’ils ont mal compris, comme par exemple le verset « Et quiconque désobéit à Allah et Son messager, il aura le feu de l’enfer éternellement à tout jamais. »[2], et le verset « Et quiconque désobéit à Allah et Son messager et transgresse Ses limites, Il le fera entrer en enfer pour l’éternité »[3], et d’autres versets encore. Ainsi, les gens de la Sounnah et de l’Union sont unanimes sur le fait que les auteurs des grands péchés ne demeureront pas en enfer s’ils meurent sur le monothéisme ; et que, si l’un d’entre eux, entre en enfer pour ses péchés, alors il en sortira.(Fin de citation)[4]

          A l’opposé, en réponse à l’exagération des khawârij, sont apparus les Mourji’a, dont la doctrine principale est d’exclure les actes de la définition de la Foi. Ainsi, chez eux, la Foi est une croyance du cœur, dont les actes des membres ne font pas partie.

Shaykh Al Islam Ibn Taymiyah a dit :

« Et c’est pour cela que la grande majorité des Mourji’a étaient d’avis que les actes du cœur entrent dans la Foi, comme l’ont transmis ceux qui ont écrit au sujet des différentes doctrines, et parmi eux Al Ach’arî, dans son ouvrage[5], [il dit] :

« Quel est la divergence des Mourji’a au sujet de la Foi ? »

Il se divise en 12 groupes :

Le premier : Ils prétendent que la Foi en Allah est uniquement sa connaissance (ma’rifah), celle de Son messager et de tout ce qui est venu de sa part, et que ce qui est autre que cela, dont la reconnaissance par la langue (iqrâr), la soumission par le cœur (inqiyâd), l’amour d’Allah et de Son messager en le glorifiant (mahabbah), la crainte (khachiyah), ainsi que les actes des membres (a’mâl al jawârih), ne font pas partie de la Foi, et ils ont prétendu que la mécréance en Allah est le fait de l’ignorer, et ceci est une parole qui est rapportée de Jahm Ibn Safwân.

Ainsi, les Jahmiyah ont prétendu que si l’homme vient avec la connaissance (d’Allah…) et qu’ensuite il renie [une chose de la religion] avec la langue, alors il ne mécroit pas par son reniement, que la Foi ne se divise pas et que parmi ceux qui la possèdent, aucun n’a plus de mérite qu’un autre dans son degré, de même que la Foi et la mécréance ne se trouvent que dans le cœur, sans les membres [du corps]. »

Il dit ensuite, au sujet du deuxième groupe des Mourji’a :

Le deuxième groupe des Mourji’a : Ils ont prétendu que la Foi est uniquement la connaissance d’Allah et que la mécréance envers Lui ne provient que du fait de L’ignorer, qu’il n’y a de Foi en Allah que par le fait de Le connaître et de mécréance que par le fait de L’ignorer, que la parole de celui qui dit « Certes Allah Est Le troisième de trois » n’est pas de la mécréance mais que cela ne provient que d’un mécréant, ceci parce qu’Allah a jugé mécréant celui qui  dit cela et que les musulmans sont unanimes sur le fait que seul un mécréant ne le prononce… Et celui qui tient ce propos est Abou Housein as-Sâlihî.(Fin de citation)[6]

Shaykh Al Islam Ibn Taymiyah, toujours dans ce qu’il rapporte de l’Imam Al Ach’arî dans son ouvrage regroupant les croyances des différentes sectes, a dit :

Le dixième groupe : Parmi les Mourji’a, les compagnons de Abi Mou’âdh At-Tawmanî… Et Abou Mou’âdh disait : « Celui qui tue un Prophète ou le frappe mécroit, et ce n’est pas pour le coup donné qu’il mécroit mais pour le mépris, l’inimité et la haine envers lui (le prophète). »

Puis il dit (Al Ach’arî) :

Le onzième groupe des Mourji’a : Ils sont les compagnons de Bishr Al Mirîsî, qui disent : « La Foi est le Tasdîq[7], car linguistiquement, la Foi est le Tasdîq. Et tout ce qui n’est pas du Tasdîq, ne fait pas partie de la Foi. » Et il prétend (Bishr) que le Tasdîq se fait par le cœur et la langue, ensemble. De même, Ibn ar-Râwandî a adopté cette position, et il prétendait que la mécréance était le reniement, le rejet, ainsi que le fait de cacher et recouvrir[8], et il n’admettait comme étant de la mécréance que ce qui l’était dans la langue [arabe], tout comme il n’admettait pas comme étant la Foi, ce qui ne l’était pas dans celle-ci. De plus, il prétendait que la prosternation pour le soleil ou pour un autre qu’Allah n’est pas de la mécréance, mais que c’était un signe de la mécréance, car Allah a expliqué que seul un mécréant ne se prosterne pour le soleil.” » (Fin de citation)[9]

En outre, Al Ach’arî a évoqué dans son ouvrage cité par Shaykh Al Islam, au volume 1, page 223, ce qu’était la divergence des Mourji’a au sujet de la mécréance, et qu’ils prétendent que :

La mécréance ne forme qu’une seule branche (un bloc) qui ne se produit que par le cœur, et ceci est le fait d’ignorer [Allah], et ceux-là sont les Jahmiyah.

Et le deuxième groupe : Ceux qui prétendent que la mécréance est de plusieurs branches, et qu’elle peut provenir du cœur et d’autre ; que le fait d’ignorer Allah est de la mécréance qui se produit par le cœur, de même que le fait de Le détester et de s’enfler d’orgueil envers Lui, de même que le Takdhîb[10] d’Allah et de Son messager par le cœur et la langue, leur reniement, leur rejet et leur réprobation, sont de la mécréance, ainsi que le mépris envers Allah et Son Messager. Donc, l’auteur de cette parole a prétendu que celui qui combat le prophète ou le frappe, ne mécroit pas à cause du combat ou du coup, mais à cause de son mépris envers lui(…)

Et le quatrième groupe : Ceux qui prétendent que la mécréance en Allah est le Takdhîb, et le fait de le renier par la langue, que la mécréance ne se produit que par la langue, en dehors des autres membres du corps, et ceci est la parole de Mouhammad Ibn Karrâm et ses compagnons.

Et le cinquième groupe : Ceux qui prétendent que la mécréance est le reniement, le rejet, et le fait de camoufler la Foi, et que la mécréance se produit par le cœur et la langue. (Fin de citation)

Shaykh Al Islam Ibn Taymiyah a dit :

Et de là, il apparaît l’erreur de la parole de Jahm Ibn Safwân et de ceux qui l’ont suivi, quand ils ont pensé que la Foi est simplement le Tasdîq et la connaissance du cœur. Ils n’ont pas considéré les actes du cœur comme faisant partie de la Foi, et ont pensé qu’il se peut que l’homme soit croyant à la Foi complète dans son cœur, et qu’avec cela il insulte Allah et Son Messager, qu’il prenne pour ennemis les alliés d’Allah et s’allie à ses ennemis, qu’il tue les Prophètes, détruise les mosquées, blasphème sur le Coran, honore énormément les mécréants et humilie excessivement les musulmans. Ils ont dit : « Tout cela, ne sont que des désobéissances qui n’annulent pas la Foi qui se trouve dans son cœur, et il se peut qu’il accomplisse cela, alors que dans son intérieur, auprès d’Allah, il soit croyant ». Et ils ont dit : « Néanmoins, lui sont appliqués les jugements des mécréants dans ce bas-monde, car ces propos sont des marques de la mécréance, afin que l’on juge par l’apparence, tout comme l’on juge par la reconnaissance et les témoins, et ce, même s’il se peut qu’à l’intérieur il y ait le contraire de ce qu’il reconnait et de ce dont témoignent les témoins. » Ainsi, lorsqu’il leur est fait mention du Livre, de la Sounnah et du Consensus, sur le fait que l’un d’entre eux est mécréant et en même temps châtié dans l’au-delà, ils disent : « Ceci est une preuve de la disparition du Tasdîq et de la connaissance de son cœur. (Fin de citation)[11]

Shaykh Sâlih Al Fawzân a dit :

Les Mourji’a sont de 4 groupes :

Le premier groupe : Les Mourji’a extrêmes, qui sont les Jahmiyah, qui disent que la foi est une simple connaissance. ;

Le 2ème groupe : Al Achâ’irah, qui sont ceux qui disent que la foi est uniquement le Tasdîq par le cœur, même s’il ne prononce rien par la langue, et pour eux, ce n’est pas juste la connaissance ;

Le 3ème groupe : Les Karrâmiyah, qui disent que la foi est une simple prononciation par la langue même s’il n’y croit pas dans son cœur ;

Le 4ème groupe : Mourji’a Al Fouqaha[12], qui qui disent que la Foi est une parole de la langue et une croyance du cœur, mais que les actes ne rentrent pas dans la réalité de la foi ;

Et nous avons un 5ème groupe qui est apparu actuellement, qui disent que les actes sont une condition de perfection de la Foi obligatoire ou recommandée. [13](Fin de citation)

            Ainsi, en résumé de ce que nous avons cité des paroles des gens de science sur les croyances des différentes factions égarées concernant le domaine de la Foi, nous pouvons dire que :

  • Les khawârij définissent la Foi comme étant un bloc indivisible, qui lorsqu’elle diminue, disparaît. Ils ont également entré tous les actes extérieurs comme étant une condition de validité de la base de la Foi, jugeant ainsi apostat, l’auteur des grands péchés moindres que la mécréance majeure ; et comme l’a rapporté l’Imam Aba Boutayn, certains ont jugé apostat, l’auteur des péchés mineurs.

 

  • Les Mourji’a, se divisant en plusieurs groupes, unanimes concernant l’absence des actes des membres dans la définition de la Foi ; les plus extrêmes d’entre eux définissent la Foi comme étant uniquement la parole du cœur, consistant à connaître ou croire par le cœur (Tasdîq), sans que cela n’y engendre d’action, comme l’amour, la crainte, l’espoir ou la soumission, ni d’actes des membres, comme la prosternation, l’inclinaison ou l’aumône. Ainsi, ils ont établi que la mécréance ne peut provenir que du cœur, par le Takdhîb, et que les actes indiqués dans le Coran et la Sounnah, définis comme étant de la mécréance, ne sont que des signes de la mécréance du cœur, mais ne le sont pas par leur essence. Néanmoins dans ce bas-monde, ils jugent apostat, l’auteur de mécréance majeure, comme celui qui se prosterne pour autre qu’Allah, ou L’insulte ; certains, voyant que ces actes sont une preuve de la mécréance intérieure, et d’autres voyant qu’il peut tout de même être croyant intérieurement. En outre, ils ont donné priorité à la définition linguistique de la Foi, et délaissé la définition religieuse prouvée par le Coran, la Sounnah et le Consensus, ce qui implique de définir la mécréance par le Takdhîb (démenti), celui-ci étant le contraire du Tasdîq. Or, Allah a dit :

Nous savons qu´en vérité ce qu´ils disent te chagrine. Or, vraiment ils ne croient pas que tu es menteur, mais ce sont les versets (le Coran) d´Allah, que les injustes renient.[14]

          Ce verset prouve la nullité de leur croyance, visant à limiter la mécréance au démenti (Takdhîb), qui est le contraire du Tasdîq, car ici, Allah nous informe que certains mécréants ne démentaient pas le Messager d’Allah , ils savaient plutôt qu’il était envoyé par Allah, mais ils rejetaient son Message, et ont donc été mécréants malgré la présence du Tasdîq ; tout comme Iblîs et Pharaon, possédaient le Tasdîq, ce qui n’a pas fait d’eux des croyants. Et ceci met en évidence l’égarement de certains contemporains qui excluent le fait qu’une personne puisse mécroire pas ignorance, et que pour cela il faille absolument que la preuve lui soit établie, ensuite rejetée, pour être jugée mécréante. Qu’Allah nous préserve de l’égarement des Jahmiyyah.

          Pour conclure ce point, il est à retenir que malgré leur égarement dans le domaine de la définition de la Foi et de son contraire, ils excommunient l’auteur de mécréance claire, comme le polythéisme majeur ou l’insulte d’Allah et de Son Messager. En effet, même si pour les plus extrêmes d’entre eux, celui qui se rend coupable de ces actes annulant l’Islam peut être croyant intérieurement et le jour dernier, entrer au paradis, ils jugent tout de même de sa mécréance dans ce bas-monde, et fondent leur jugement sur les apparences, et cela même chez les plus extrêmes des Mourji’a, parmi les Jahmiyyah, comme cela est cité par les hommes qui sont des références dans ce domaine.

          Et voilà pourquoi nous accusons de Jahmiyyah ceux qui s’affilient mensongèrement au Salaf, car dans le chapitre de la mécréance ils ont leur croyance, et sont même pires qu’eux, malgré le fait qu’ils définissent la Foi comme les gens de la Sounnah en apparence, la réalité est que pour eux la Foi se trouve dans le coeur uniquement. Dans le sujet de la Foi ils sont Mourji’ah, car celui qui se contente de l’attestation de Foi sans adorer Allah par les autres piliers et actes d’adoration, est pour eux musulman, alors que dans le sujet de la mécréance et du Takfîr, alors personne ne sort de l’Islam s’il ne le veut pas ou s’il ne dément pas un texte clair après en avoir eu connaissance, et ce, s’ils sont sûrs qu’il n’a pas d’ambiguïté quelconque…

      Pourquoi sont-ils pires que les Jahmiyah dans ce domaine, parce que comme nous l’avons vu précédemment, ces derniers jugeaient de la mécréance de l’associateur, pas pour le polythéisme en lui même, mais parce qu’il est pour eux une preuve de l’absence de Tasdîq, le résultat est donc le même car le polythéiste n’est pas musulman. De plus, pour Jahm Ibn Safwan, guide spirituel de cette croyance répugnante, la mécréance est l’ignorance, alors que chez les pseudo-salafi, on peut ignorer l’unicité d’Allah dans la divinité, tout en étant musulman. On voit donc que chez les anciens Jahmiyyah, les textes prouvant la mécréance du polythéiste sont tellement nombreux qu’ils ne pouvaient que l’affirmer, même si pour eux la cause n’est pas l’acte mais la croyance, alors que chez nos contemporains, il est toujours bien musulman… Qu’Allah nous préserve de l’égarement.

 


[1] Rapporté par AL Boukhary (3344) et Mouslim (1064)

[2] Sourate 72 verset 23

[3] Sourate 4 / Verset 93

[4] Dourar as-Saniyah, volume 1, pages 360 et 361

[5] « AlMaqâlât al islamiyyin Wakhtilâfât Al-Musallîn (Les Doctrines islamiques et les divergences des musulmans (prieurs)

[6] Majmou’ al fatâwâ volume 7 page 543/544 

[7] Le Tasdîq est le fait de rendre véridique une information, soit par le cœur, soit par la langue, soit les deux.

[8] C’est à dire : le fait de refouler la Foi

[9] Majmou’ al fatâwâ, volume 7, pages 547/548

[10] Takdhîb : qui est le contraire de Tasdîq, signifiant l’action de démentir.

[11] Majmou’ Al Fatâwâ, volume 7, page 188/199

[12] Les jurisconsultes, qui sont L’Imam Abou Hanîfah et ses compagnons

[13] Source : Commentaire résumé du poème « An-Nouniyah » d’Ibn Al Qayyim, tome 2, page 647/648

[14] Sourate 6, verset 33

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Quatrième point : Qu’est-ce que la foi et la mécréance chez les gens de l’innovation.